La Maison de la Presse Babacar Touré, symbolique sanctuaire de la liberté de la presse au Sénégal, a été le théâtre d’une confrontation sans précédent le matin du 20 janvier 2025. Le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), réuni pour aborder la crise profonde qui secoue le secteur médiatique, s’est vu refuser l’accès à la salle de conférence. Cet incident, jugé par le président du CDEPS, Mamadou Ibra Kane, comme une tentative d’étouffement de la presse privée, reflète les tensions croissantes entre le gouvernement et les acteurs des médias.
Un secteur en crise
Depuis l’avènement de la 3ème Alternance politique en mars 2024 sous le régime de Bassirou Diomaye Faye, la presse privée s’enfonce dans une crise exacerbée par des décisions économiques et administratives controversées. Le CDEPS dénonce notamment le refus de l’effacement fiscal pour les entreprises de presse fragilisées par la pandémie de Covid-19, l’annulation unilatérale de contrats publicitaires par l’État et le non-paiement de subventions promises pour l’année 2024. La dégradation financière est telle que plusieurs entreprises de presse ont vu leurs comptes bancaires gelés.
Parallèlement, des mesures administratives restrictives limitent l’opération des médias non reconnus par le ministère de la Communication, accentuant l’érosion du pluralisme médiatique. Mamadou Ibra Kane s’alarme d’une « stratégie réfléchie pour liquider la presse privée », appelant à une mobilisation nationale et internationale pour protéger la liberté d’expression au Sénégal.
Une interdiction controversée
Le refus d’accès au CDEPS par la Maison de la Presse a suscité l’indignation de la Coordination des Associations de Presse (CAP). Cette institution, perçue comme un refuge symbolique pour les journalistes, a jusqu’ici été le lieu de rassemblements pour dénoncer les atteintes à la liberté de la presse. La CAP estime que cette interdiction marque un dangereux précédent et condamne toute tentative de politisation de l’espace médiatique.
En réponse, le directeur général de la Maison de la Presse, Sambou Biagui, a justifié la mesure par le non-respect des procédures administratives par le CDEPS. Il rappelle que toute mise à disposition de salle requiert une demande écrite préalable. Selon lui, ce manquement a été corrigé, et une nouvelle conférence est prévue pour le 22 janvier.
Un avenir incertain pour la presse
Cette situation illustre les tensions structurelles et politiques auxquelles est confronté le secteur médiatique au Sénégal. Longtemps considéré comme un modèle de liberté de la presse en Afrique de l’Ouest, le pays traverse une période critique qui interpelle autant les acteurs nationaux qu’internationaux. Le CDEPS appelle le président Bassirou Diomaye Faye à revoir sa politique envers les médias, affirmant que « priver la presse de ressources et de libertés, c’est menacer la démocratie elle-même ».