Longtemps perçu comme une région « ingouvernable », minée par des décennies de conflits liés au pétrole et un sous-développement chronique, le delta du Niger vit aujourd’hui une transformation remarquable grâce à l’action du Partnership Initiatives in the Niger Delta (PIND). Au cœur de cette mutation, une femme : Aline Varre, stratège du développement et directrice de la stratégie et du développement des affaires au sein de l’organisation.
Une vision nouvelle pour une région fragile
Depuis plus de dix ans au PIND, dont deux années à la tête de la stratégie, Aline Varre a contribué à repositionner l’approche du développement dans l’une des zones les plus fragiles d’Afrique. Elle pilote actuellement un mécanisme de cofinancement de 75 millions de dollars destiné à stimuler l’accès à l’énergie solaire et à favoriser l’autonomisation des jeunes du delta.
Sa vision repose sur un principe simple mais ambitieux : combiner paix et développement économique au sein d’un même cadre stratégique. « Les subventions sont l’étincelle, pas la flamme », insiste-t-elle, soulignant que la durabilité ne peut être atteinte que par un continuum de financements mêlant philanthropie, capitaux privés et financements au développement.
L’innovation du financement mixte
L’une des grandes forces de Varre est sa capacité à dépasser la logique classique de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Pour elle, « faire le bien, c’est aussi bon pour les affaires ». Elle défend un modèle de financement mixte qui combine capital commercial, subventions philanthropiques et fonds catalytiques afin de réduire les risques et renforcer l’appropriation locale.
Cette approche a valu à PIND d’être cité comme un modèle en matière de philanthropie et d’innovation sociale, inspirant de nombreux acteurs du développement sur le continent.
Une voix entre deux mondes
Franco-anglophone, Varre se distingue également par sa capacité à naviguer entre les sphères internationales et les réalités locales. Elle attire l’attention sur les blocages structurels, notamment dans les pays francophones encore liés au système du franc CFA. « La réforme est indispensable, mais elle doit être stratégique », avertit-elle, mettant en garde contre les risques d’un effondrement non maîtrisé.
Son appel s’adresse à une nouvelle génération de leaders africains capables d’être à la fois architectes et négociateurs, maîtrisant la finance, l’histoire et les stratégies du secteur privé, tout en restant ancrés dans la voix des communautés.
De la théorie à l’influence mondiale
Au-delà de son action sur le terrain, Aline Varre participe activement aux débats internationaux sur la localisation de l’aide, la stratégie féministe et la décolonisation du développement. Elle siège dans des conseils consultatifs, collabore avec des think tanks et défend un meilleur accès des femmes aux financements.
Ses analyses sont publiées dans Quartz Africa, Devex et African Arguments. Elle intervient aussi dans des consultations régionales organisées par l’ONU et dans des forums financiers de haut niveau, où elle plaide pour une redistribution plus équitable des ressources.
Une influence appelée à durer
Selon un haut responsable d’une institution multilatérale de consolidation de la paix, « le débat sur le développement change en profondeur : il ne s’agit plus seulement de financer des projets, mais de repenser la circulation du capital et la répartition du pouvoir. Aline fait partie de ceux qui conduisent cette transformation ».
Pour Varre, la clé de la durabilité réside dans un élément immatériel mais essentiel : la confiance. « Les indicateurs comptent, dit-elle, mais c’est la légitimité qui fait tenir les systèmes. »
À l’heure où les voix africaines s’imposent davantage dans les récits mondiaux sur le développement, le parcours d’Aline Varre illustre l’émergence de nouveaux leaders capables de remodeler la manière dont le monde aborde la fragilité et la durabilité.
