L’émir de Kano, Muhammadu Sanusi II, l’un des chefs traditionnels musulmans les plus influents du Nigeria, a été démis de son trône.
Il a été destitué pour avoir fait preuve d’ « insubordination »envers les autorités de l’État de Kano, dans le nord du pays.
M. Sanusi, un ancien chef de la banque centrale, a des relations glaciales avec le gouverneur de Kano, Abdullahi Ganduje, depuis 2017.
Ses partisans pensent qu’il a été licencié pour s’être opposé à la réélection de M. Ganduje l’année dernière.
Les chefs traditionnels du Nigeria détiennent peu de pouvoirs constitutionnels mais sont en mesure d’exercer une influence significative car ils sont considérés comme les gardiens de la religion et de la tradition.
M. Sanusi était considéré comme un réformateur et avait critiqué certaines politiques gouvernementales, une position qui le mettait souvent en conflit avec les politiciens au pouvoir, rapporte le journaliste Ishaq Khalid de la BBC au Nigeria.
L’émir a été expulsé du palais de la ville de Kano par les forces de sécurité. On ne sait pas exactement où il a été emmené, mais selon la tradition, il devra vivre en exil hors de l’émirat pour le reste de sa vie, déclare notre reporter.
Aminu Ado Bayero, le fils du prédécesseur de M. Sanusi qui a dirigé Kano pendant plus d’un demi-siècle jusqu’à sa mort en 2014, a été choisi comme nouvel émir par les autorités locales.
Pourquoi a-t-il été licencié ?
Le gouvernement a déclaré qu’il avait été destitué « afin de sauvegarder le caractère sacré, la culture, la tradition, la religion et le prestige de l’émirat de Kano », accusant l’émir d’un « manque total de respect » envers les institutions et le bureau du gouverneur.
Le rôle de l’émir
Le pouvoir absolu avant la domination coloniale britannique
A fait partie de l’administration coloniale
Peu de pouvoirs constitutionnels depuis l’indépendance
Considérée comme le gardien de la religion et de la tradition
Vénéré dans le nord, principalement musulman
Depuis que l’émir et le gouverneur se sont brouillés, M. Sanusi n’a pas assisté aux fonctions de l’État ni aux réunions officielles, ce qui, selon le gouvernement, équivaut à une « insubordination totale ».
Le refus de l’émir de se présenter devant un panel enquêtant sur les allégations de corruption à son encontre n’a pas non plus été bien accueilli par le gouvernement.
Il est accusé de vendre des biens et de mal gérer les fonds émiratis, mais il a obtenu une ordonnance du tribunal qui a mis fin à l’enquête.
Après l’élection de l’année dernière, M. Ganduje, qui est une figure puissante au sein du parti au pouvoir, le All Progressives Congress (APC), a divisé l’émirat de Kano en cinq et nommé quatre autres émirs – pour affaiblir l’influence de M. Sanusi.
M. Sanusi n’hésite pas à exprimer ses opinions, ce qui, selon certains, constitue une rupture avec la tradition qui veut qu’un émir soit vu et non entendu.
Le mois dernier, il a déclaré que les pères qui envoyaient leurs enfants mendier pour obtenir l’aumône devraient être arrêtés.
Dans le passé, il a critiqué ce qu’il a décrit comme « l’interprétation ultra-conservatrice de l’Islam » dans certaines régions du nord du Nigeria, qui a découragé l’éducation des filles, le planning familial et d’autres politiques progressistes.
Qui est M. Sanusi ?
Né dans la famille royale Fulani, Lamido Sanusi est devenu le 14ème Emir de Kano en 2014 après la mort d’Ado Bayero.
Il a décrit ce poste, qui a un poids énorme parmi les musulmans du nord du Nigeria, comme une ambition de toute une vie.
Cinq choses à sqvoir sur Mohammed Sanusi II
Né dans la famille royale peul, Lamido Sanusi est devenu gouverneur de la Banque centrale du Nigeria en 2009
Il a été licencié en 2014 après avoir révélé que 20 milliards de dollars (12 milliards de livres sterling) de revenus pétroliers avaient disparuLe magazine TIME l’a nommé dans sa liste des personnes influentes en 2011
En 2013, il a reçu un prix spécial lors des Global Islamic Finance Awards pour son rôle dans la promotion de la banque et de la finance islamiques au Nigeria
Il est devenu le 14ème Emir de Kano en 2014 et est le petit-fils du 11ème Emir
Au milieu des années 1990, il a quitté un emploi bien rémunéré de gestionnaire de risques bancaires pour approfondir ses connaissances en arabe et en études islamiques en allant étudier au Soudan.
Bien avant de devenir émir, il s’est opposé à l’adoption de la loi islamique dans certains États du nord, arguant qu’il y avait des questions plus urgentes à traiter.
Mais c’est en tant que gouverneur de la Banque centrale du Nigeria qu’il a acquis une certaine notoriété.
Sa dénonciation de plus de 20 milliards de dollars (12 milliards de livres sterling) prétendument disparus de la compagnie pétrolière d’État a provoqué une tempête qui a conduit à sa suspension par le président de l’époque, Goodluck Jonathan. Le gouvernement a nié qu’il manquait de l’argent.
M. Sanusi a contesté sa suspension devant les tribunaux, mais il a quand même été démis de ses fonctions. Il a par la suite retiré sa plainte au tribunal.
Les critiques fustigent son attitude et questionnent son refus de comparaître devant le panel chargé d’enquêter sur les allégations de corruption à son encontre.