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Bassirou MBACKE Enseignant-chercheur en communication adresse une lettre ouverte au président Macky Sall

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Le référendum du 20 mars dernier s’est soldé par un succès sans ambages du camp du oui ; 62% des votants ont approuvé vos réformes qui consolident la démocratie et accorde plus de droit et de devoir au citoyen. Le oui a été quasi massif partout au Sénégal, dans les villes comme dans les hameaux les plus reculés. Et pourtant, dans ce décor reluisant, il y a eu deux faits majeurs qui ont retenu l’attention de nombreux observateurs : le taux élevé d’abstention et le non massif des électeurs de Touba, la ville sainte et non moins deuxième ville la plus peuplée du pays derrière Dakar.
Concernant le taux d’abstention très élevé, les journalistes, les analystes politiques et autres universitaires tentent jusqu’à aujourd’hui de l’expliquer encore. Pour ce qui est du non massif de Touba, il est dû, à mon humble avis, à plusieurs raisons :
Tout d’abord, vos réformes sont très tardivement explicitées et expliquées aux populations. Il faut dire que la date très rapprochée du 20 mars n’a pas aidé. Par méconnaissance ou tout simplement de mauvaise foi, certains chefs religieux, des imams, des membres de dahiras très importants, activistes, « karimistes » et autres politiciens malhonnêtes ont introverti, altéré et diabolisé votre projet de révision constitutionnelle à tel point que le citoyen lamda frileux et méfiant s’est abstenu ou a voté « non ».
Ensuite, les populations de Touba ne se sont pas reconnu dans l’action de certains marabouts enturbannés qui ne sont mus que par l’argent, les belles femmes, les belles voitures… bref tout ce qui est mondain. Ils ont reçu de l’argent et appelé du bout des lèvres à voter « oui ». Toujours est-il que les talibés ont voulu leur montrer qu’ils sont loin d’être de simples moutons de panurge. Ils se sont sans nul doute dit que nous allons montrer au Président que nous rejetons ces personnalités-là qui ne sont là que pour leurs propres intérêts. Et pourtant Dieu sait qu’à côté de ces faux marabouts maitres chanteurs et « argentivores », il existe beaucoup de chefs religieux vertueux, exemplaires et qui croient fermement au « khidma » et qui participent dignement à faire avancer le pays. Mieux encore, monsieur le président, certains marabouts que vous avez reçus et à qui vous avez remis des « adiyas » se seraient permis d’appeler à faire triompher le « non ». Monsieur le Président, prenez vos distances par rapport aux usurpateurs enturbannés aux discours stéréotypés et quasi-identiques: passeports diplomatiques, argent, terrains,voitures, prébendes…

Ils ont coulé Wade et son régime.

Et les talibés dans tout cela! Il se trouve que les discours de certains marabouts ont plus desservi que servi. Notez-le, de façon indélébile, Monsieur le président de la république, l’ère des « ndiguëls » politiques est définitivement révolue! Les citoyens font parfaitement le distingo entre la politique et la religion. Ma conviction reste que le pouvoir temporel et le pouvoir religieux peuvent et doivent de façon intelligente et en parfaite synergie cheminer ensemble. Serigne Bassirou Abdou Khadre, seule voix autorisée de son éminence, le khalif général des mourides Serigne Cheikh Sidy Makhtar Mbacké (qu’Allah lui accorde longue vie et santé de fer), a remarquablement bien dressé une kyrielle de réalisations et de projets au bénéfice des populations de Touba qui ont vu le jour sous votre magistère. Nonobstant, les électeurs ont voté « non », donc il va s’en dire que le mal est plus profond.
Par ailleurs, je crois fermement que votre leadership politique ainsi que vos représentants politiques locaux qui passent le clair de leur temps à défier des chefs religieux locaux, par leur arrogance, par leur désunion, par leurs querelles et insultes interminables ont fini par agacer et dépiter les populations de Touba. Un fait illustratif des manquements de vos représentants à Touba, le porte-parole du khalif général des « baye fall » ne s’est pas gêné de lister tous les malentendus avec ce maillon essentiel du mouridisme qui ont eu lieu à votre insu. Les déclarations de Serigne Moustapha Saliou au moment de « l’affaire Dangote », remises, de façon malhonnête, au goût du jour pendant cette campagne référendaire n’ont pas plaidé non plus en votre faveur. Rappelez-vous, le fils de Serigne Saliou Mbacké avait parlé de vous comme de quelqu’un qui, une fois son objectif atteint, adopte une démarche manquant terriblement de reconnaissance envers ceux qui l’ont soutenu pendant les moments difficiles. Vos visites à Touba étaient tellement fréquentes entre 2007 et 2012 que vous avez été la dernière personnalité politique reçue par le 5e Khalif des Mourides avant son rappel à Dieu.
Monsieur le Président, force est de reconnaitre qu’il faudrait revoir votre stratégie politique vis-à-vis Touba. Les populations, dans leur écrasante majorité, considèrent à tort certainement qu’un minimum de respect à l’endroit du mouridisme devrait vous pousser à vous séparer de certains éléments de votre entourage qui ont intentionnellement choqué les disciples mourides en un moment donné avec des propos déplacés voire insolents : Abdoulatif Coulibaly avec son irrespectueuse expression, « Le Sieur Saliou Mbacké » qui n’était qu’une extériorisation d’un sentiment de dédain à peine voilé à l’endroit de la communauté mouride, alors qu’il était le porte-parole du gouvernement durant « l’affaire Dangote » (Soulignons que même les ambassadeurs étrangers disaient « Serigne Saliou ») ; Souleymane Jules Diop qui, via son émission « Degg Dëg », a insulté à maintes reprises de respectables dignitaires mourides avant de se draper aujourd’hui d’amples « Baye Lahad » et d’aller prier à Massalikoul Djinane ; et Madiambal Diagne, un multirécidiviste qui a la plume acerbe quand il s’agit de parler de Touba. Ce dernier a d’ailleurs récidivé juste après le référendum en traitant les populations de Touba de tous les noms d’oiseaux, coupables qu’ils sont d’avoir démocratiquement donné leur avis (négatif) lors d’une consultation citoyenne. Républicain ! Et la liste n’est pas exhaustive, vous devriez bien le savoir sans doute.
Last but not least, il se trouve que le Parti démocratique sénégalais (Pds) reste très puissant à Touba et ses militants ont mené une campagne de proximité intelligente et remarquable. Il faut reconnaître aussi que les populations de la ville sainte adorent votre prédécesseur qui le leur a toujours bien rendu en adoptant la même position de talibé convaincu avant, pendant et après son accession au pouvoir. Il restera dans leur cœur éternellement. Et cela va de soi que tout acte d’humiliation ou de punition à son endroit vous éloignera inéluctablement de bon nombre d’entre eux. Il en est ainsi de l’emprisonnement de Karim Wade et du fait que depuis votre victoire, le 25 mars 2012, vous adoubez son prédécesseur, Abdou Diouf en l’ignorant systématiquement malgré le rôle incontournable et indéniable qu’il a joué dans votre trajectoire politique.
Touba qui a adopté Senghor le chrétien, adulé Abdou Diouf le tidiane et porté dans son cœur Abdoulaye Wade l’alchimiste politicien, ne peut point vous rejeter à plus forte raison vous haïr. Touba voulait juste vous avertir du hiatus qui existe entre vos relais et ses populations. Rien n’est perdu, tout est à repenser et à refaire!
Je terminerai par vous féliciter de votre brillant succès lors du référendum. Tout en priant Dieu pour qu’il vous accorde la santé et la paix pour un franc succès dans votre exaltante mission qu’est d’amener le Sénégal dans le concert des pays émergents.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma considération la plus distinguée.

Bassirou MBACKE
Enseignant-chercheur en communication
Consultant en management et en marketing.