On était mardi 8 décembre 2015. Après mon cours de 08h-10H, je quitte l’école pour aller prendre du thé, comme d’habitude, dans la chambre d’un collègue à quelques jets de pierres de l’établissement. En attendant de reprendre la craie à 12h, j’allume le téléviseur et je me scotche sur la TFM.
Le sujet du débat attira mon attention : consommer local .Un sujet d’actualité. J’écoutais la fameuse Tata Deuguéne avec intérêt, introduire l’incollable et la charmante Mami. Une femme que je suivais depuis Walf. Elle disserta longtemps avec des arguments massue sur la vertu thérapeutique des produits locaux : des plats traditionnels au duté, en passant par les jus de fruits. Néanmoins, nos présentateurs vedettes étaient assis autour d’une table dont l’origine sénégalaise est douteuse et sur laquelle se trouvaient deux bouteilles de Coca Cola. Soudain, cette phraséologie juvénile, que j’ai entendue pour la première fois à la Fastef, me vint à l’esprit : koo yab? Et je me demandais : De qui se moquent-ils ?
Voilà des patriotes autoproclamés jeter le dévolu sur les Sénégalais qui ne consomment pas local ; tout en faisant la promotion d’une boisson étrangère dont les composantes leurs sont inconnues ; comme elles le sont d’ailleurs pour la majeur partie des Sénégalais.
En plus Tata Deuguene invite chaque jours ses téléspectateurs et fans à boire Coca Cola, tout en vantant ses vertus antidiabétiques non encore scientifiquement prouver à ce que sache, au détriment des jus de fruit et boissons locaux. Comble de la contradiction et de l’hypocrisie!
Sommes-nous les damnés de la terre ? Pour qui nous prennent-ils ? Est-ce que Youssou Ndour, un patriote incontesté et incontestable qui chantait Fii ba Tamba Counda amna nopalu kaay est au courant de ce crime de lèse patriotisme? Pourquoi échanger l’avenir de ce pays contre des espèces sonnantes et trébuchantes ? Quand Ousmane Camara proposa, la première fois, à Senghor l’introduction de la télévision au Sénégal ; le Président poète au flair sociologique infaillible était réticent. Pour lui les Sénégalais n’étaient pas mûrs pour avoir une télévision, et je pense que l’histoire lui a donné raison. En fait, Senghor redoutait l’effet boomerang de cet outil utile, mais dangereux une fois entre des mains irresponsables et inexpertes.
De grâce, chers compatriotes mettons davantage l’accent sur l’éducation et la sensibilisation de nos concitoyens avec désintéressement ; et faisons le tout pour ne pas tomber dans la tentation de la concurrence et du sensationnel. Abandonnons le culte des sondages et ayons comme crédo l’avenir de notre patrie. En fait la consommation locale n’est pas un mot, mais c’est un comportement. Malheureusement en Afrique en général et au Sénégal en particulier plus on se hisse au sommet de la pyramide sociale, plus on est complexé. Plus on a de diplômes, plus on n’est faible devant l’Occident. Et comme l’a dit Degaule : « Si grand que soit le verre que l’on nous tend, on préfère boire dans le notre tout en trinquant aux alentours. »
Elimane BARRY, professeur d’Anglais, militant du Grand parti
eltonbarry@hotmail.fr
