Les tensions toujours très vives entre l’Arabie saoudite et l’Iran priveront les Iraniens de pèlerinage à la Mecque en septembre. Faute d’accord avec Ryad, le ministre iranien de la Culture et de la guidance islamique Ali Janati a annoncé jeudi que «les conditions [n’étaient] pas réunies pour que les Iraniens puissent aller à la Mecque», allant jusqu’à accuser les Saoudiens de «sabotage».
Les négociations portaient sur les conditions de l’organisation du grand pèlerinage à la Mecque, endeuillé l’année dernière par une gigantesque bousculade qui avait provoqué la mort de 2.300 personnes, dont plus de 450 Iraniens. Téhéran avait alors dénoncé «l’incompétence» de Ryad. «Le chef de l’Organisation du pèlerinage a eu quatre rencontres avec le ministre saoudien du hajj», a expliqué le ministre. Mais pour lui, l’attitude des Saoudiens a été «très froide et impropre. Ils n’ont pas accepté nos propositions en ce qui concerne la délivrance des visas, le transport et la sécurité des pèlerins», a-t-il poursuivi.
Premiers pourparlers depuis la crise de janvier
Les responsables saoudiens exigeaient que «les pèlerins aillent dans un autre pays pour faire leur demande de visa», a expliqué Ali Janati. Des conditions que le ministre iranien a jugé «inacceptables», précisant qu’il demandait à ce que les visas soient délivrés en territoire iranien. Mais depuis janvier, les relations diplomatiques sont rompues entre les deux puissances régionales rivales. L’Arabie saoudite n’a donc plus de représentation en Iran. Saïd Ohadi, le président de l’Organisation iranienne du hajj, a déclaré jeudi que Ryad avait également refusé de «donner l’autorisation aux compagnies aériennes iraniennes d’aller en Arabie saoudite» pour transporter les pèlerins.
Ces pourparlers étaient les premiers entre officiels des deux puissances rivales depuis la rupture des relations. Cette décision avait été prise par Ryad après l’attaque contre l’ambassade saoudienne à Téhéran par des Iraniens protestant contre l’exécution d’un opposant chiite saoudien. Après cette attaque condamnée par les autorités iraniennes, Ryad a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran, mais également toute relation économique et commerciale, interdisant les liaisons aériennes entre les deux pays. «Malheureusement, il y a en Arabie saoudite un climat politique très hostile à l’encontre de l’Iran», selon M. Ohadi.
L’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite s’opposent ouvertement sur toutes les crises régionales et s’accusent mutuellement de chercher à y élargir leur influence. Ils s’affrontent indirectement en Syrie où Téhéran soutient le régime du président Bachar al-Assad, alors que Ryad appuie des groupes rebelles armés. Les deux pays s’opposent aussi sur le Yémen, où l’Iran soutient les rebelles Houthis et dénonce régulièrement les bombardements de la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite. Les Saoudiens accusent pour leur part Téhéran de s’ingérer dans les affaires yéménites. Ryad et Téhéran s’affrontent en outre à propos de la situation en Irak, à Bahreïn ou encore au Liban.
Leurs relations évoluent en dents de scie depuis la révolution islamique iranienne en 1979. Les deux pays avaient déjà rompu leurs relations de 1987 à 1991, en raison de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du pèlerinage de La Mecque en 1987, qui avaient fait plus de 400 morts, dont une majorité d’Iraniens. L’Iran avait également suspendu en avril 2015 le petit pèlerinage de La Mecque – qui s’effectue à n’importe quelle période de l’année – à la suite de l’agression de deux jeunes pèlerins iraniens par des policiers saoudiens à l’aéroport de Jeddah. Environ 500.000 pèlerins iraniens se rendaient chaque année en Arabie saoudite pour le petit pèlerinage. En 2015, quelque 60.000 Iraniens s’étaient rendus à la Mecque pour le grand pèlerinage.